T’as saisi l’ironie facile de parler d’une affaire à suivre pour écrire sur une chanson datant de 1998 et composée par un groupe depuis lors séparé, reformé puis de nouveau séparé ? C’est juste que je me plonge avec beaucoup de retard dans le post hardcore dont Refused était l’un des fiers représentants à la fin des glorieuses nineties.
Je découvre donc une chanson totalement ancrée dans son époque mais qui ménage en même temps un pas de côté. Il y a bien le screamo de Dennis Lyxzén qui rattache le morceau au hardcore tandis que l’incorporation d’éléments ambient/drum n bass nous rappelle qu’on est bien dans les 90s, cette époque où le top du cool c’était d’accoler/fusionner/bricoler des éléments disparates dans une volonté d’ouverture sans doute très sincère. Le tout tire vers le post hardcore, soit la suite de la démarche de Fugazi qui tentait d’extraire sa musique des commandements rigides qu’il avait lui-même contribué à forger. D’ailleurs il semble que tous les groupes de hardcore, même Black Flag, ont immédiatement souhaité se distancer de ce qu’ils avaient créé, ce qui constitue peut-être la meilleure preuve que le hardcore était une impasse dès le départ.
Le post hardcore c’est, au contraire, une musique libératrice et euphorisante qui me fait me dire qu’il y a peut-être encore quelque chose à faire avec des guitares saturées. Mais c’est la touche neo metal qui est peut-être la plus surprenante et réjouissante pour un·e auditeur·trice de 2022. L’image d’Épinal de la pop des années 90 paraît souvent figée dans des oppositions un peu superficielles entre mainstream et underground, pop et rock, vendu·es et intègres… A ce jeu-là, le neo metal a rapidement été black-listé comme une récupération cynique du teenage angst là où le grunge et ses idéaux punk rock seraient une expression authentique de ladite colère adolescente. Apparemment Refused s’en fout de tout ça.
En revanche, le groupe ne semble pas spécialement faire consensus à l’heure actuelle encore, alors que j’avais l’impression d’accéder enfin à l’un des monuments du post hardcore (ce que le disque a bien l’air d’être). La faute à un titre d’album comme The Shape of Punk to Come qui donne évidemment les verges pour se faire battre ? En affichant frontalement de telles ambitions, le groupe insère une dimension méta, tourne en dérision son importance tout en l’assumant complètement. Ou bien le problème se niche-t-il dans les lyrics insurrectionnels plus-premier-degré-tu-meurs ? C’est sûr qu’appeler à la révolution sur fond de grosses guitares dans un album qui met en scène sa propre prétention vertigineuse, ça peut refroidir. Moi-même je ne sais pas trop quoi en penser à l’heure actuelle, d’où l’affaire à suivre.