Parfois dans la vie, il suffit de peu. Pour être heureux·se je ne sais pas mais pour prendre du plaisir à tout le moins. Le peu, c’est par exemple une nouvelle chanson à ranger dans son jukebox mental comme “Hole in my Head” ramené par Laura Jane Grace sous une magnifique pochette. Pour quelqu’un comme moi que se réveille tous les quatre matins en se demandant si la musique rock a encore quelque chose à dire, c’est un ravissement que d’écouter une chanson de punk rock à la composition sans faille, écrite et jouée par une musicienne qui laboure ce sillon depuis plus de 20 ans. Aussi contradictoire que ça puisse paraître d’ailleurs, vu l’injonction à la jeunesse traditionnellement rattachée à cette musique.
C’est sans doute qu’il y a ici tout ce qu’on peut attendre d’une chanson punk : une musique simple jouée sur des guitares au tempo le plus rapide possible, et il en faut du savoir-faire pour réussir à faire simple jusqu’à atteindre des formes d’évidence en moins de deux minutes. Il y a une forme de classicisme déviant dans cette écriture limpide et en commençant une chanson ainsi, il faut assumer ensuite :
“Do you wanna screw? Baby, what’s the point ?”
Les échos de rébellion nineties et de libération par le punk rock qui retentissent dans le clip résonnent sensiblement différemment quand ils sont expulsés des poumons d’une chanteuse trans. Les messages sont peut-être toujours les mêmes mais ils sont délivrés par de nouveaux-venus dont les voix font résonner différemment ce qui serait autrement un amas de clichés. Au vu de son parcours personnel et artistique, Laura Jane Grace fait partie de ces nouvelles voix, la sienne étant à la fois fort différente et irrémédiablement constante. Son énonciation limpide ancre dans le crâne ses refrains qui se changent en mantras à force d’être chantonnés discrètement en attendant le passage du tram.
Avec son apologie de l’intensité et son rejet des concessions vis-à-vis de ses semblables, pas sûr que “Hole in my Head” annonce une personne facile à vivre, ni même une personne sympathique tout court. Mais on a le droit de vivre par procuration en se lovant dans ses chansons, de celles qui apportent le confort d’un sweat à capuche un matin de printemps pluvieux.