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La première chanson de l’année – le rap (de) blanc en question

Alors non, on ne va quand même pas débuter ce site/blog/whatever en faisant un top de fin d’année 2021, ce serait indécent. En revanche on peut parler du début 2022 et plus précisément de la première chanson de l’année, peut-être pas la meilleure mais celle qui m’occupait le crâne au réveil le 1er janvier : “Le Vrai Moi” de Lomepal.

Oui, l’album Jeannine dont est extrait ce titre, c’est un peu un all-stars des babtous fragiles du rap francophone actuel et par charité chrétienne, on ne reviendra pas sur l’intervention de Roméo Elvis dans “1000 Degrés”, au demeurant un morceau puissant. Et oui, c’est un peu malaisant d’écouter ça sans parvenir à l’apprécier pleinement. En tant qu’issu de la petite bourgeoisie, pourquoi ai-je autant de mal avec la musique qui reflète le plus clairement certaines préoccupations de ma classe sociale ?

Est-ce parce que le chevrotement de Lomepal, loin d’évoquer Jacques Brel, me rappelle avant tout celui de Gaëtan Roussel ? Il y a de ça mais tandis que je me sens coupable du plaisir éprouvé à l’écoute d’une chanson de Lomepal je déplore dans le même temps que ce plaisir ne soit pas plus entier. Comme s’il y avait toujours un besoin de faire un pas de côté vis-à-vis d’une image pas bien reluisante. Alors c’est quoi le problème avec Lomepal ? Le fait qu’il coche toutes les cases du rap de blanc ?

S’agit-il d’auto-dépréciation de ma part? Le miroir tendu par le rap francophone de Lomepal offre un reflet peu amène, composé des névroses regroupant les problèmes des gens qui n’ont pas de problèmes. Ce rap-là est un rap de narcisses passant tant de matinées devant leur glace qu’iels finissent par n’écrire que des couplets auto-centrés. L’identification à une telle musique s’accompagne donc d’un sentiment de honte quant à mon incapacité à me décentrer de mes propres atermoiements. Déjà que je ne m’aime pas beaucoup quand je racle les bords de mes névroses, j’ai peut-être pas spécialement envie d’écouter quelqu’un me chanter qu’il fait la même chose.

Est-ce que la description que fait Lomepal de ses problèmes (et des miens) est trop plate pour m’enthousiasmer? C’est pas tout d’étaler ses états d’âme, encore faudrait-il y injecter un peu de sublimation artistique pour dépasser l’exposé des situations. Peut-être suis-je plus indulgent avec PNL parce qu’il y a dans leur musique une collision inattendue et exaltante entre les pleurnicheries et leur ton bravache. Point de surprise chez Lomepal.

Est-ce que Lomepal ressemble beaucoup trop aux artistes de chanson française des années 90?  Au-delà de la proximité avec Louise Attaque déjà évoquée, si Lomepal posait sa voix sur une guitare acoustique plutôt qu’une prod vaguement trap, il ferait un carton sur RTL 2 en 1998. Or, on en a soupé de ces trucs. Au siècle dernier l’espace culturel a déjà été saturé d’hommes blancs hétéros cisgenres, gauchos au cœur tendre qui s’épanchent sur leurs peines de cœur et lavent leur linge sale devant tout le monde. En 2022, assez.